lundi 19 novembre 2007 | By: Mickaelus

Sonnets de Ronsard pour la naissance du fils aîné d'Antoine de Bourbon

Dans Les Amours, recueil poétique de sonnets amoureux d'inspiration pétrarquiste et platonicienne (mais où la sensualité voire l'érotisme sont loin d'être absents), on ne peut pas dire que Ronsard fasse beaucoup référence à la France (sinon parfois à son domaine de manière poétique) comme ce pourra être le cas dans ses dernières années, ce qui est normal puisque le prince des poètes vit alors les belles années de la Renaissance sous Henri II, tout dévoué qu'il est à sa Cassandre comme Pétrarque pouvait l'être à sa Laure. Toutefois, on peut tout de même remarquer par exemple ces deux sonnets écrits à l'occasion de la naissance du fils aîné d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme et suzerain des Ronsard. Ce fils, l'aîné du futur Henri IV, ne vivra malheureusement que deux ans.


Léonard Limosin, Antoine de Bourbon,
roi de Navarre (1518-1562),
père de Henri IV, miniature (émaillerie)


199

Que Gâtine ait tout le chef jaunissant
De maint citron & mainte belle orenge,
Que toute odeur de toute terre étrange
Aille par tout nos plaines remplissant.
Le Loir soit lait, son rampart verdissant,
En un tapis d'esmeraudes se change,
Et le sablon, qui dans Braie se range,
D'arenes d'or soit par tout blondissant.
Pleuve le ciel des parfums & des roses,
Soient des grans vens les aleines encloses,
La mer soit calme, & l'aer plein de bon heur :
Voici le jour, que l'enfant de mon maître,
Naissant au monde, au monde a fait renaitre,
La foi premiere & le premier honneur.

200

Jeune Herculin, qui dès le ventre saint
Fus destiné pour le commun service :
Et qui naissant rompis la teste au vice
De ton beau nom dedans les astres peint :
Quand l'age d'homme aura ton coeur atteint,
S'il reste encor quelque trac de malice,
Le monde adonc ploié sous ta police
Le pourra voir totalement estaint.
Encependant croîs, enfant, & prospere,
Et sage, apren les haus faits de ton pere,
Et ses vertus, & les honneurs des Rois.
Puis autre Hector, tu courras à la guerre,
Autre Jason, tu t'en iras conquerre,
Non la toison, mais les chams Navarrois.

Pierre de Ronsard, Les Amours (1552)