vendredi 12 juin 2009 | By: Mickaelus

L'appel du 12 juin 1709, de Louis XIV aux Français

Comme chacun sait, dans quelques jours on commémorera l'appel du 18 juin du Général de Gaulle, duquel il me semble qu'on exagère l'importance exclusive selon la logique politique et médiatique qui veut enfermer les Français dans le souvenir indépassable de la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est pas qu'il ne faille s'en souvenir, mais je crois qu'on aurait tort de s'y réduire, la mémoire nationale étant infiniment plus riche, plus lointaine et plus profonde.

C'est donc d'un autre appel et d'un autre temps de guerre, d'épreuves et de sacrifices que je veux témoigner, puisqu'il y a aujourd'hui trois cents ans, Louis XIV lançait un appel à tous ses sujets pour les inviter au dévouement, au patriotisme et au don de soi. Le royaume de France devait en effet, au cours de la Guerre de Succession d'Espagne, affronter une coalition européenne digne de celles qu'affrontera avec moins de succès (au final !) Napoléon le siècle suivant, pour que le petit-fils de Louis XIV, Philippe V, pût régner sur le trône d'Espagne, selon les vœux et le testament de son dernier roi mort sans héritier ; les puissances européennes, de leur côté, craignaient l'influence trop importante en Europe de deux royaumes gouvernés par la famille Bourbon.

Cet appel fut diffusé dans toutes les églises du royaume en une période de revers et de disette alors que Louis XIV, s'il désirait la paix, ne pouvait l'obtenir qu'à des conditions infamantes pour l'honneur de la France comme des Français. C'est donc directement, en roi et en père responsable de ses sujets, qu'il en appela au courage et au soutien des humbles qui souffraient. Cet appel, qui s'adressera à tous puisque le roi organisera un impôt payé également par les privilégiés en 1710, sera entendu et permettra le redressement de la situation qui culminera notamment avec la grande victoire de la bataille de Denain en 1712.


"L'espérance d'une paix prochaine était si généralement répandue dans mon royaume que je crois devoir à la fidélité que mes peuples m'ont témoignée pendant le cours de mon règne, la consolation de les informer des raisons qui empêchent encore qu'ils ne jouissent du repos que j'avais dessein de leur procurer.

J'avais accepté, pour le rétablir, des conditions bien opposées à la sûreté de mes provinces frontières ; mais, plus j'ai témoigné de facilité et d'envie de dissiper les ombrages que mes ennemis affectent de conserver de ma puissance et de mes desseins, plus ils ont multiplié leurs prétentions ; en sorte que, ajoutant par degrés de nouvelles demandes aux premières et se servant, ou du nom du duc de Savoie, ou du prétexte de l'intérêt des princes de l'Empire, ils m'ont également fait voir que leur intention était seulement d'accroître aux dépens de ma couronne les États voisins de la France et de s'ouvrir des voies faciles pour pénétrer dans l'intérieur du royaume toutes les fois qu'il conviendrait à leurs intérêts de commencer une nouvelle guerre [...].

Je passe sous silence les insinuations qu'ils ont faites de joindre mes forces à celles de La Ligue, et de contraindre le roi, mon petit-fils, à descendre du trône, s'il ne consentait pas volontairement à vivre désormais sans États, à se réduire à la condition d'un simple particulier. Il est contre l'humanité de croire qu'ils aient seulement eu la pensée de m'engager à former avec eux une pareille alliance. Mais, quoique ma tendresse pour mes peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants ; quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, et que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement de les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom FRANCAIS.

[...] J'écris aux archevêques et évêques de mon royaume d'exciter encore la ferveur des prières dans leurs diocèses ; et je veux en même temps que mes peuples, dans l'étendue de votre gouvernement, sachent de vous qu'ils jouiraient de la paix, s'il eût dépendu seulement de ma volonté de leur procurer un bien qu'ils désirent avec raison, mais qu'il faut acquérir par de nouveaux efforts, puisque les conditions immenses que j'aurais accordées sont inutiles pour le rétablissement de la tranquillité publique..."

Louis XIV, le 12 juin 1709