mercredi 29 juillet 2009 | By: Mickaelus

Rousseau, les Dialogues et le roi de France

Il s'agit ici de l'homme, de Jean-Jacques, plutôt que du philosophe théoricien du Contrat social, de l'écrivain des Confessions qui essaie de transmettre la vérité de son être contre ce qu'il dénonce comme une cabale d'ennemis qui a juré sa perte. C'est donc après les Confessions qu'il essaie de trouver un moyen de transmettre ses Dialogues à la postérité sans que cela passe par ses ennemis, et qu'il relate, avec l'Histoire du précédent écrit comment il a essayé de confier sa mémoire à la Providence... voire au roi de France ! Un comble pour cet homme dont plusieurs écrits furent interdits en France et dont l'œuvre philosophique politique est l'une des sources d'inspiration majeures de la Révolution française.

"Dans cette situation, trompé dans tous mes choix et ne trouvant plus que perfidie et fausseté parmi les hommes, mon âme exaltée dans le sentiment de son innocence et par celui de leur iniquité s'éleva par un élan jusqu'au siège de tout ordre et de toute vérité, pour y chercher les ressources que je n'avais plus ici-bas. Ne pouvant plus me confier à aucun homme qui ne me trahît, je résolus de me confier uniquement à la providence et de remettre à elle seule l'entière disposition du dépôt que je désirais laisser en de sûres mains.

J'imaginai pour cela de faire une copie au net de cet écrit et de la déposer dans une Église sur un autel, et pour rendre cette démarche aussi solennelle qu'il était possible, je choisis le grand autel de l'église de Notre-Dame, jugeant que partout ailleurs mon dépôt serait plus aisément caché ou détourné par les curés ou les moines, et tomberait infailliblement dans les mains de mes ennemis, au lieu qu'il pouvait arriver que le bruit de cette action fît parvenir mon manuscrit jusque sous les yeux du roi ; ce qui était tout ce que j'avais à désirer de plus favorable, et qui ne pouvait jamais arriver en m'y prenant de toute autre façon."

Le 24 février 1776, Rousseau ne parvient pas à déposer son manuscrit comme il l'avait espéré à cause d'une grille qu'il n'avait jamais remarqué - et de sa timidité. Voici un extrait de sa réaction, qui ne met pas tant en cause l'idée de faire parvenir un écrit au roi, que l'entourage d'icelui et sa propre témérité :

"J'avais dit dans ma suscription que je n'attendais pas un miracle, et il était clair néanmoins qu'il en aurait fallu un pour faire réussir mon projet : car l'idée que mon manuscrit parviendrait directement au roi, et que ce jeune prince prendrait lui-même la peine de lire ce long écrit, cette idée, dis-je, était si folle (note de l'auteur : cette idée et celle du dépôt sur l'autel m'était venue durant la vie de Louis XV, et alors elle était un peu moins ridicule) que je m'étonnais moi-même d'avoir pu m'en bercer un moment. Avais-je pu douter que quand même l'éclat de cette démarche aurait fait arriver mon dépôt jusqu'à la Cour, ce n'eût été que pour y tomber, non dans les mains du roi, mais dans celles dans mes plus malins persécuteurs ou de leurs amis, et par conséquent pour être tout à fait supprimé ou défiguré selon leurs vues pour le rendre funeste à ma mémoire ?"

Source : dossier de l'édition Pocket des Rêveries du promeneur solitaire, p. 356 ; texte intégral disponible ici

1 commentaires:

fromageplus a dit…

Vraiment, plus j'en sais sur Rousseau, plus je le trouve détestable.